2015: l'année de la crise des migrants.

D’interminables colonnes d’hommes, de femmes, d’enfants sur les routes de Serbie, de Macédoine ou de Slovénie, des embarcations de fortune...

D’interminables colonnes d’hommes, de femmes, d’enfants sur les routes de Serbie, de Macédoine ou de Slovénie, des embarcations de fortune surchargées, qui sombrent en mer Méditerranée ou en mer Egée, des corps sans vie, échoués sur les plages de Grèce ou de Turquie : ces images ont marqué, choqué parfois, l’opinion publique européenne, durant l’année écoulée. Plus d’un million de candidats à l’exil ont rejoint le vieux continent au péril de leur vie. 3 770 n’ont pas survécu au voyage.
La « crise des migrants » a souvent été au menu des sommets européens en 2015.
Face à l’urgence, l’Europe divisée, a apporté une réponse confuse et pas très efficace. Retour sur une année de crise.


D’interminables colonnes d’hommes, de femmes, d’enfants sur les routes de Serbie, de Macédoine ou de Slovénie, des embarcations de fortune surchargées, qui sombrent en mer Méditerranée ou en mer Egée, des corps sans vie, échoués sur les plages de Grèce ou de Turquie : ces images ont marqué, choqué parfois, l’opinion publique européenne, durant l’année écoulée.
Des migrants marchent dans la campagne serbe, dans les environs de Miratovac, en venant de Macédoine, le 24 octobre 2015.REUTERS/Ognen Teofilovski
Des bateaux vétustes, surchargés, qui font naufrage : la scène s’est répétée des centaines de fois encore cette année. « Le bateau, je ne sais pas bien si quelqu’un le pilotait. Ce que je sais c’est qu’il avançait, et puis, il a perdu sa route, et il a commencé à prendre l’eau », racontait, Collins Ima, un Nigérian, à notre envoyée spéciale en Calabre, Juliette Gheerbrant, en avril. « Le dernier jour, on a vu les secours italiens. Si je ne suis pas mort, c’est seulement grâce à Dieu », soupire le rescapé.
Lorsqu’en avril, en l’espace de deux semaines, 1 200 migrants meurent noyés au large des côtes libyennes, l’UE convoque, en urgence un sommet extraordinaire pour lutter contre les filières d'immigration clandestine et limiter le nombre de naufrages meurtriers. Ce sera le premier d’une série de rendez-vous destinés à trouver une réponse commune à la crise. Mais celle-ci aura bien du mal à se concrétiser. La situation était pourtant « parfaitement prévisible », elle était « en gestation depuis au moins quatre an, depuis le début de la crise syrienne », estime Claire Rodier, juriste au Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés, et co-fondatrice du réseau Migreurop. «Le processus n’a pas été anticipé, et l’Europe s’est trouvée prise de court au mois d’avril ».
Les survivants du naufrage sur le bateau des gardes-côtes italiens à Senglea, sur l'île de Malte, le 20 avril 2015.REUTERS/Darrin Zammit
Le mois suivant, l'Union européenne lance une mission navale de lutte contre le trafic de migrants en Méditerranée, mais face à l’avancée des djihadistes de l’Etat islamique de nombreux Syriens et Irakiens continuent de fuir leur pays. En août, Frontex, l'agence européenne chargée de surveiller les frontières extérieures de l'UE, comptabilise plus de 500 000 migrants arrivés depuis le début de l’année. Les ONG évoquent alors « la pire crise de déplacés que l’Europe ait connue depuis 1945 ». Plusieurs Etats européens, mais aussi ceux situés aux frontières extérieures de l’espace Schengen, comme la Macédoine, ou la Serbie, se retrouvent vite débordés par les demandeurs d’asile. Les Vingt-Huit ne parviennent pas à s'entendre sur la répartition de 40 000 réfugiés entre les divers pays de l'Union européenne. Les flux de migrants désireux de rejoindre le vieux continent, eux, ne cessent de grossir et les drames, en mer, de se multiplier.
Un hélicoptère de Frontex survole un canot transportant des migrants vers l'île grecque de Lesbos, le 28 septembre 2015.REUTERS/Dimitris Michalakis
La photo d’un petit corps sans vie, échoué sur une plage turque, provoque une vive émotion. « C’était le matin, nous suivions un groupe de Pakistanais qui prenaient la mer, quand non loin, nous avons remarqué des corps » racontait, en septembre, sur l’antenne de RFI, Nilüfer Demir, photographe turque. « En nous approchant, nous nous sommes rendus compte que c’étaient des corps d’enfants. C’est le corps du petit syrien, Aylan, 3 ans, que nous avons vu en premier. Quand nous avons compris qu’il n’y avait rien à faire, j’ai pris la photo de ce petit corps sans vie avec son T-shirt rouge, son short bleu marine et ses chaussures aux pieds. En nous éloignant, nous avons trouvé le corps de son frère, allongé sur la plage et plus loin. Ils n’avaient rien sur eux qui puissent les maintenir à la surface de la mer, ni gilet de sauvetage, ni brassière, ni bouée, ce qui augmente encore le drame qu’ils ont vécu », se souvient la photographe.
Ces clichés et ce récit, provoquent, indignation, émotion et interrogations. Aylan Kurdi, ce petit garçon, originaire de Kobané, dans le nord de la Syrie, devient le symbole de la tragédie des migrants. Dans la foulée, Berlin assouplit ses règles d’accueil : la chancelière décide d’accorder l’asile à tous les réfugiés syriens qui arrivent sur le sol allemand, provoquant de vives critiques de la part de plusieurs de ses homologues européens. Angela Merkel se voit reprocher de mener une politique trop accueillante, de créer un « appel d’air », mais, inflexible, la chef du gouvernement allemand appelle l’Europe à l’esprit européen de solidarité et se dit fière de son peuple : « Le monde nous considère comme un pays porteur d’espoir et de chance et cela n’a vraiment pas toujours été le cas ».
Abdullah Kurdi, père du petit Aylan, effondré à la sortie de la morgue à Mugla, en Turquie.REUTERS/Murad Sezer
Clôtures de barbelés
Mais au sein des Vingt-Huit, cette générosité fait grincer des dents, en particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale. Dans le courant de l’été, la Hongrie, tenante d’une ligne dure contre les migrants, se lance dans la construction d’une clôture barbelée à ses frontières serbe et croate, de façon à fermer l’accès à son territoire pour tous les migrants en transit. D’autres lui emboîteront le pas, tels la Slovénie, la Macédoine, ou encore l’Autriche, désireuse de mieux contrôler le passage des migrants. « Aujourd’hui, le projet européen ne réunit plus l’ensemble des gouvernements européens. Ce qui s’est passé en Hongrie est beaucoup plus large que la question des migrants », explique Matthieu Tardis, de l'Institut français des relations internationales. «Le Premier ministre, Victor Orban utilise la question des réfugiés et l’Europe pour des objectifs politiques purement internes », souligne le chercheur.
Hotspots et relocalisations à la peine
En dépit des désaccords, des agendas propres à chaque Etat, les Vingt-Huit finissent par adopter des mesures destinées à répondre à la crise. L’une des priorités est de mieux encadrer les arrivées : l’UE a donc décidé de créer 11 « Hotspots », des centres d’accueils et d’enregistrement en Grèce et en Italie, destinés à identifier les migrants et à distinguer ceux qui peuvent prétendre à l’asile et ceux qui doivent être renvoyés dans leurs pays d’origine. Mais la mise en place de ces centres patine. Fin décembre 2015, deux d’entre eux étaient véritablement opérationnels. Quant aux 160 000 réfugiés que les Européens se sont engagés à répartir équitablement entre eux, on est encore très loin du compte : moins de 200 personnes, arrivées en Grèce ou en Italie avaient pu rejoindre leurs pays d’accueil dans le cadre du plan de relocalisations.
Pour Claire Rodier, quoi qu’il en soit, ce chiffre de 160 000 est « éminemment ridicule », si on considère que quatre millions de Syriens ont quitté leur pays ces quatre dernières années. De plus, estime la co-fondatrice du réseau Migreurop, force est de constater que ce mécanisme « ne fonctionne pas. On commence à entendre parler d’un renoncement à cette solution », que Claire Rodier qualifie d’ « usine à gaz, sans grande chance d’aboutissement ».
Certains pays, comme la Slovaquie et la Hongrie, sont ouvertement hostiles à ce mécanisme obligatoire, et sont allés jusqu'à l'attaquer devant la justice européenne. La Suède, submergée, a demandé qu’une partie des réfugiés qu’elle était censée accueillir le soient ailleurs. Résultat : à la fin 2015, moins de 200 demandeurs d’asile avaient été « relocalisés ». Mais la faute ne repose pas entièrement sur les Etats membres, qui traînent des pieds ou tardent à notifier des places disponibles. Les demandeurs d'asile ont aussi leur part de responsabilité : certains préférant continuer leur route vers le Nord, en particulier vers l'Allemagne, plutôt que de s'enregistrer dans les centres d'accueil et attendre qu'une destination leur soit proposée dans l'UE, d’autres refusant de gagner certains pays. Un porte-parole du ministère estonien de l’Intérieur se plaignait, à la mi-décembre, qu’aucun réfugié parmi ceux qui doivent participer au programme européen de relocalisation n'ait souhaité s'établir en Estonie. Un officier de liaison de ce pays balte reste pourtant en mission en Italie depuis novembre pour trouver des réfugiés décidés à gagner l’Estonie, mais pour l’heure sans résultat.
Schengen menacé ?
En dépit de l’hiver, de conditions météo défavorables, les flux de migrants ne tarissent pas, tout comme les drames en mer. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 3 770 migrants et réfugiés sont morts en 2015 en franchissant la mer Méditerranée pour tenter de gagner l'Europe, un chiffre en hausse par rapport à 2014. La plupart de ces décès sont survenus dans la partie centrale de la Méditerranée, une route utilisée par les passeurs opérant à partir de la Libye.
Face à la pression migratoire, et face aux critiques de son propre camp, Angela Merkel a légèrement infléchi sa politique en durcissant, ces derniers mois, les conditions du droit d'asile. Dès la mi-septembre, l’Allemagne a rétabli le contrôle à ses frontières. D’autres ont suivi. Le 29 décembre, la Norvège a annoncé son intention de refouler tous les réfugiés arrivant d'un autre pays de l'espace Schengen, en premier lieu la Suède, affirmant viser une politique d'asile « parmi les plus sévères en Europe ».
A la frontière entre la Slovénie, membre de l'espace Schengen, et la Croatie.REUTERS/Srdjan Zivulovic
Ce qui est sûr, affirme Matthieu Tardis, c’est que « de nombreux tabous sont tombés cette année ». Pour le chercheur de l’IFRI, « la libre-circulation telle qu’on la connait aujourd’hui est remise en cause. Ca a fait beaucoup de bruit au début, quand les premiers ont commencé à rétablir les contrôles aux frontières, mais aujourd’hui ça devient presque la norme sur l’ensemble du territoire », constate-t-il. Parmi les pistes pour sauver Schengen, les dirigeants européens misent sur le corps de gardes-frontières et gardes-côtes, qui doit être déployé d’ici juin. Le principe en a été acté lors du Conseil européen des 17-18 décembre, mais le projet de l'exécutif européen a encore une longue route devant lui avant de se concrétiser. Malgré le soutien de Berlin et de Paris, il devrait se heurter à de vives réticences de nations peu enclines à abandonner une part de leur souveraineté.
Les Vingt-huit attendent aussi des résultats concrets du plan d’aide de 3 milliards d’euros à la Turquie contre sa promesse de mieux contrôler ses frontières et à coopérer dans la lutte contre les passeurs qui opèrent depuis son rivage. Plus d’un mois après la signature de cet accord, bien peu de progrès ont été enregistrés. En attendant, des dizaines d’autres petits Aylan risquent de perdre leur vie sur le chemin de l’exil.

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